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Pedro Trigo, un des attaquants de la caserne Moncada, nous livre quelques «éclats d’histoire»…

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Renaud

Renaud
Admin






Angela Oramas
Camero

Des jeunes, conduits par l’avocat Fidel Castro Ruz,
engagèrent l’histoire et la culture de Cuba dans un
nouveau tournant lorsque, le 26 juillet 1953, ils
attaquèrent les casernes Moncada et Carlos Manuel de
Céspedes dans ce qui était alors la province d’Oriente.
Ils appartiennent à la « Génération du Centenaire », car
cette action révolutionnaire eut lieu l’année du
centenaire de la naissance du Héros national, José Marti.
A la veille du 58e anniversaire de cette geste
héroïque, nous avons rencontré Pedro Trigo, un des 21
attaquants de la caserne Moncada qui ont survécu jusqu’à
nos jours. Ses 83 ans ne l’empêchent pas de conserver le
souvenir de plusieurs anecdotes qui se situent avant et
après l’action…
Quelle était votre pensée politique et idéologique
avant l’attaque de la caserne Moncada ?
— Comme tous les jeunes qui y ont participé, j’étais
et je reste martiste. A l’époque, je militais dans les
rangs du Parti orthodoxe. Son leader, Eduardo Chibas,
était mort, mais avec d’autres camarades nous
continuions à diffuser sa pensée. J’ai rencontré Fidel
Castro en 1951, à une réunion du Parti orthodoxe qui se
tenait à Santiago de las Vegas, chez le Dr Maria
Purificacion Garcia Cabello de Fina. J’étais en train de
parler lorsque je le vis arriver, revêtu d’une
guayabera. Je ne manquai pas de remarquer avec quelle
attention il m’écoutait parler de cinq propriétés
acquises par des voies obscures par le président Carlos
Prio Socarras à proximité des quartiers El Globo et
Calabazar. Prio avait tout simplement délogé de ces
terres des paysans qu’il avait remplacés par des soldats
utilisés comme journaliers : il leur versait deux pesos
pour dix heures de travail par jour, c’est-à-dire qu’il
ne les exploitait pas moins que des paysans.
« Lorsque je finis mon discours, j’avais devant moi,
au pied de la tribune, Fidel qui me fixait de son regard
intelligent et me lançait : ‘’Je m’appelle Fidel Castro.
Si tout ce que tu as dit est vrai, pourquoi ne pas
dénoncer Prio ? … Avant, il faut rassembler les preuves,
les titres de propriété figurant au cadastre… rencontrer
les paysans expulsés, car ce seront sans nul doute les
meilleurs témoins…’’
« Le lendemain à 8 heures du matin, il se présentait
chez moi, à Calabazar (un village situé à une douzaine
de kilomètres de la capitale), accompagné de Juan
Martinez Tinguao. Ils entendaient ouvrir immédiatement
l’enquête sur les propriétés Gordillo, Lage, Potrerillo
de Menocal, Pancho Simon et Paso Seco, que Prio avait
fondues en une seule qu’il avait appelée El Rocio et qui
couvrait plus de 700 hectares, dont la presque totalité
sont aujourd’hui occupés par le parc Lénine, l’Ecole de
sciences exactes Lénine et le Jardin botanique national.
« José Luis Tasende et Gildo Fleitas ne tardèrent pas
à nous rejoindre. Ces deux compagnons, comme mon frère
Julio et tant d’autres, devaient trouver la mort le jour
de l’attaque. Fidel nous indiqua que la première chose à
faire était de tenir une réunion et de photographier les
paysans qui travaillaient sur ces terres depuis
longtemps, 18 ans pour certains. La réunion eut lieu
chez La Gallega Joséfa Yañez, orthodoxe, dans le
quartier d’El Globo. Une centaine de paysans y
assistèrent, presque tous des fermiers de Santiago de
las Vegas. C’est à cette occasion que Fidel parla pour
la première fois de la Réforme agraire qui mettrait un
terme au latifundium et à l’exploitation des fermiers et
métayers en remettant la propriété des terres à ceux qui
les travaillaient. Il dénonça le vol, l’exploitation,
l’abus et les expulsions forcées dont les fermiers
étaient victimes. Il parla de l’enquête et du combat qui
allait commencer.
« Ayant réuni toutes les preuves nécessaires, Fidel
porta plainte devant le Tribunal des comptes le 3 mars
1952 et en publia le texte dans le journal Alerta. »
Quelques jours après a lieu le coup d’Etat de
Batista. Comment avez-vous réagi ?
— Comme tout le peuple, par l’indignation. Il ne
s’était pas écoulé une semaine depuis le putsch
militaire que Fidel nous parlait de l’urgente nécessité
de créer un mouvement révolutionnaire opposé à la
dictature et décidé à libérer le pays de la tyrannie et
du système néo-colonial qui s’était imposé dans le pays
depuis 1902. Il n’y avait d’autre alternative,
affirmait-il, que la lutte armée.
« Fidel me demanda d’organiser et de diriger une
cellule insurrectionnelle à Calabazar, formée par des
paysans, des ouvriers, des étudiants et des
intellectuels : des honnêtes gens disposés à prendre les
armes pour faire la Révolution.
« C’est à la même époque que j’ai fait la
connaissance d’Abel Santamaria, un révolutionnaire hors
pair, d’une grande sensibilité, débordant d’optimisme et
de fermeté. Il était fils de Galicien. Ma mère,
Galicienne elle aussi, l’admirait et l’aimait beaucoup.
Nous avons organisé une réunion à laquelle il assista.
Il demanda à chacun quel était son niveau de scolarité
et qui avait lu les œuvres de José Marti. Il nous
recommanda de le faire, parce que Marti allait inspirer
toute notre action révolutionnaire.
« Je me rappelle un après-midi : nous étions en
pleins préparatifs de l’ « action armée de l’heure
zéro ». Fidel et moi arrivâmes dans la Chevrolet qu’il
conduisait chez Pedro Marrero, dans le quartier de La
Ceiba. A peine entrés, nous constatons que les meubles
du salon et de la salle à manger ont disparu. Il y avait
sur le sol, en tout et pour tout, un matelas. Fidel
s’exclame : ‘’ Mais… qu’as-tu fait ? Tu es devenu fou ?
’’
« Et Pedro Marrero de répondre, imperturbable : ‘’ Et
demain, je vends le réfrigérateur… ‘’ ‘’ Je te
l’interdis, rétorque Fidel. Tu as déjà perdu ta place de
camionneur, et ça suffit… ‘’
‘’ Si je suis prêt à donner ma vie pour nos idéaux,
que veux-tu que je fasse des biens matériels ? ‘’, lui
répondit Pedro Marrero, un des combattants assassinés à
la caserne Moncada.
Que signifiait « l’action de l’heure zéro » et quand
avez-vous appris la nouvelle ?
— Je l’ai apprise à Santiago de Cuba, quelques heures
avant l’attaque. En dehors de Fidel et d’Abel, personne
ne savait ce que voulait dire « l’action de l’heure
zéro », qui désignait l’attaque des deux casernes :
Moncada et Carlos Manuel de Céspedes. Fidel m’en informa
dans la nuit du 26 Juillet, à une heure et quart, alors
que nous partions avec Abel de la ferme Siboney pour le
Champ de Mars.
« Fidel demande à Abel de continuer et d’aller
chercher à El Esperon le Dr Mario Muñoz ; pendant ce
temps, nous allions faire un tour dans les quartiers du
carnaval pour prendre le pouls de la ville. C’est là que
j’apprends que j’ai pour mission, avec d’autres
camarades, de m’emparer de l’émetteur de radio depuis
lequel le poète Raul Gomez Garcia devait transmettre sa
harangue au peuple de Santiago.
« Je retourne à la ferme Siboney avec Abel ; le chef
en second de l’opération. Le Dr Muñoz fait de même, dans
une autre voiture, avec Fidel. Je demande à Abel si tout
est bien organisé et il me répond : ‘’ Oui, Pedrito, la
synchronisation et parfaite. ’’ il me demande aussitôt :
‘’Tu as des questions ?’’. Je n’en avais pas et il se
mit à réfléchir à voix haute : « Il faut se préparer au
pire : si nous sommes tous tués. De toutes manières, ce
serait une victoire, parce que nous aurions montré que
la pensée de José Marti vit encore en l’année du
centenaire de sa naissance.’’ J’étais loin de penser que
quelques heures plus tard, Abel serait mort, tout comme
mon frère Julio. Tous deux furent sauvagement torturés,
puis assassinés.
« La veille, Julito avait fait une crise d’hémoptysie
et Abel lui avait ordonné de rentrer à La Havane. Mais
il refusa et se battit à ses côtés à l’hôpital civil
Saturnino Lora. C’est lui qui tira la dernière balle,
lorsque tous les autres camarades avaient épuisé leurs
munitions. »
Pourquoi certains des attaquants tardèrent-ils à
arriver à la caserne Moncada?
« Pour la simple raison que les chauffeurs de
plusieurs des véhicules ne connaissaient pas la ville de
Santiago de Cuba et se sont perdus en chemin. J’étais
dans une de ces voitures. Nous étions sur les hauteurs
de Quintero ; en plein carnaval, je vois un homme qui
danse avec des sandales de bois et je lui demande : ‘’
Mais où se trouve donc la caserne Moncada ? ‘’. Il
n’arrête pas de danser et me lance : ‘’ Par là, dans la
direction des coups de feu ! ‘’
« Nous étions huit dans la voiture, en proie à
l’angoisse. A notre arrivée à la caserne, Fidel avait
déjà donné l’ordre de battre en retraite. Nous ne
pouvions pas rester ensemble, et certains d’entre nous
sont partis à pied, pour brouiller les pistes. Tout en
marchant dans une ville que je ne connaissais pas, je me
suis débarrassé de mon uniforme et j’ai continué
d’avancer en civil ; c’est ce qui nous avait été
indiqué.
« J’ai arrêté un autobus et j’ai demandé au chauffeur
où il allait : ‘’ Montez, me dit-il, on va à La Havane.
Mais essayez de vous coiffer un peu et d’arranger votre
guayabera. On verra bien comment on s’en sortira…’’
« A Calabazar, des agents du SIM (Service de
renseignements militaires) m’attendaient. Ils m’arrêtent
et m’emmènent au siège de ce corps répressif. Ils n’ont
pas pu prouver ma participation à l’attaque de la
Moncada. En plus, il y avait la déclaration d’un
chauffeur de taxi batistien qui m’avait confondu avec
quelqu’un d’autre et affirmait que j’étais monté dans
son taxi à Calabazar ce dimanche 26 juillet. Ils me
relâchèrent en m’avertissant que je ne pouvais pas
quitter mon village : je ne pouvais me déplacer que de
la maison au travail.
« Lorsque Melba et Haydée sortirent de prison, je les
rejoignis pour continuer de collaborer avec le Mouvement
26 Juillet. Lorsque Fidel sortit de la Prison modèle et
partit pour le Mexique, je dus moi aussi m’exiler. »
Où avez-vous connu Raul Castro ?
Dès que les attaquants de la Moncada sortent de la
Prison modèle, je rencontre Raulito (Melba et moi
utilisions volontiers ce diminutif, car il nous semblait
vraiment très jeune) chez sa sœur aînée, Lidia.
« Fidel m’avait chargé d’aller chez Lidia pour que
Raul me remette l’article qu’il tapait à la machine : le
directeur de la revue Bohemia tenait à le publier de
toute urgence… Soudain, Lidia se rend compte que la
police encercle l’immeuble. Je cache les feuilles sous
mon tricot de corps et, quand j’arrive à la porte, je
tombe sur le colonel de la police Martin Pérez, qui me
demande : ‘’ Et toi, tu habites ici ? ’’. Je réponds
fermement que oui. "Poursuis ton chemin, me dit-il. Je
vais fouiller tous ces appartements un par un.’’
« J’arrive au siège de la revue Bohemia, je raconte
cet épisode à Fidel et lui tends les feuilles cachées
sous ma chemise… Tout content, Fidel me prend à bras le
corps et me soulève du sol… L’article fut publié sous sa
signature et sous le titre : Chaviano ment. »
Pedro Trigo aurait bien d’autres anecdotes à nous
raconter, ds souvenirs, ce qu’il appelle des « éclats
d’histoire ». Mais je ne lui pose pas plus de questions
car ce 29 juin, il fête ses 83 printemps, et les amis et
voisins se pressent à la porte de chez lui pour le
féliciter…

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